"Alors elle est bonne ?" - Le vrai du faux sur la température de l'eau dans le Var
- petitprincebandol
- 7 juil. 2023
- 5 min de lecture

Depuis une dizaine d’années, des chercheurs de Seatech installent des capteurs de température et de niveau sur notre littoral. De quoi répondre à de nombreuses questions.
"Elle est bonne" ou au contraire "elle est gelée", en passant par les "c’est une tisane" ou "ça vivifie": quelle que soit la plage, les premiers mots des baigneurs qui se jettent à l’eau tournent immanquablement autour de sa température. Des propos qui expriment le ressenti mais, avouons-le, manquent un tantinet de précision.
Une carence que tente entre autres de corriger le projet HTM NET (Hydrodynamique et transport de matière en suspension - niveaux d’eau et températures) de l’école d’ingénieurs SeaTech dépendant de l’Université de Toulon (avec Mio, l’Institut méditerranéen d’océanologie).
Depuis une dizaine d’années, les universitaires ont installé sur notre littoral une vingtaine de capteurs permettant de mieux comprendre comment évolue la mer.
Toutes les données sont consultables en quasi direct - Vrai
Sur le site du réseau, on suit en temps réel l’évolution de la température de l’eau. Ici, depuis début juin, en rouge, la température ; en bleu, la vitesse du vent au Fort Saint-Louis. Capture d’écran.
Sans mettre un orteil dans l’eau, il est possible - quasiment en temps réel - de connaître sa température à Porquerolles (Hyères), au Brusc (Six-Fours), aux Oursinières (Le Pradet) ou au Fort Saint-Louis (Toulon).
Les données recueillies par le réseau d’observation sont en effet transmises en direct et librement diffusées sur son site Internet (https://htmnet.mio.osupytheas.fr/).
On peut aussi, spot par spot, suivre son évolution. "Le premier capteur a été installé à La Seyne, sur le site de l’Ifremer, en 2013, et le deuxième à Port-Cros en 2014, annonce Vincent Rey, responsable scientifique, chercheur et prof d’océanographie physique. Aujourd’hui, on dispose de dix-huit capteurs, principalement sur l’aire toulonnaise, mais aussi à Menton et dans les Bouches-du-Rhône. Ils permettent de relever la température de l’eau, celle de l’air, mais aussi la pression atmosphérique et le niveau de l’eau".
Le niveau d’eau change tout le temps - Vrai
Outre le marnage de 20 à 30 cm habituel et correspondant à la marée, les capteurs notent au quotidien que le niveau de la mer évolue en fonction de la pression atmosphérique.
"Par faible pression atmosphérique, le niveau d’eau est plus haut. Une baisse de pression d’1hPa correspond à une variation de niveau d’eau de 1 cm", calcule Vincent Rey, qui précise que la pression moyenne est de 1.013 hPa. "La pression atmosphérique la plus basse mesurée a été de 978 hPa le 28 octobre 2018, avec un niveau d’eau le plus haut mesuré de 71 cm au-dessus du niveau moyen. Et la pression la plus haute mesurée était de 1.037 hPa le 13 février 2023, un niveau d’eau anormalement bas avait été observé".
L’ensoleillement, principal facteur de changement - Faux
Qu’il fasse un soleil de plomb, ou que le ciel soit chargé de nuages noirs, fait peu évoluer la température de la mer. Photo archives F. M..
Qu’il fasse un soleil de plomb, ou que le ciel soit chargé de nuages noirs, fait peu évoluer la température de la mer, selon les observations des universitaires. Les deux principaux facteurs sont en fait la puissance du courant liguro-provençal qui fait remonter des eaux chaudes du sud sur notre littoral (surtout à l’est d’Hyères) et les coups de vent.
"Les gens n’ont pas conscience de la puissance du courant liguro-provençal mais c’est un million de mètres cubes par seconde, c’est 100 fois le Rhône en crue. Et c’est un courant chaud", s’enthousiasme Vincent Rey.
Si le courant marin, encouragé par un vent d’est, fait monter la température, le mistral fait le contraire.
"C’est lié à ce qu’on appelle l’upwelling, ou la remontée d’eau froide. Le vent ne refroidit pas la mer parce qu’il souffle, mais parce qu’il pousse la masse d’eau chaude du littoral vers le large... et fait du coup remonter les eaux profondes et plus froides".
La mer peut être "penchée" dans la rade - Vrai
Le niveau n’est pas systématiquement le même à Toulon et à La Seyne. Photo doc R. B..
Au moins aussi intéressant à documenter que les questions de température, les oscillations du niveau de la mer passionnent les scientifiques.
Si certains pensent que la terre est plate, eux assurent que la mer peut pencher ! Y compris à l’échelle de la rade. Le réseau a en effet permis d’observer des "seiches", ou "oscillations résonnantes", qui peuvent apparaître dans les baies à la faveur d’événements météos ou sismiques.
Concrètement, un peu comme le ferait l’eau dans une bassine agitée, la mer peut, par exemple, être quelques dizaines de centimètres plus haute d’un côté de la rade que de l’autre. "Dans la rade de Toulon, on a vu une oscillation avec une période de 19 minutes qui peut atteindre 30 cm".
En clair, par rapport à la normale, alors que le niveau peut être plus bas de 15 cm que la normale à Tamaris, il est plus haut de 15 cm à Toulon... et vice-versa 19 minutes plus tard.
La température baisse de la même façon partout - Faux
En fonction de l’orientation du littoral et de la façon dont le mistral s’engouffre, les variations liées à la remontée d’eau froide sont plus ou moins marquées et rapides.
"On voit que la température de l’eau passe de 25°C à 15°C en un jour et demi dans la rade de Toulon parce que toute l’eau de la rade peut être rapidement renouvelée, mais que ça diminue beaucoup moins et moins vite au Brusc et à Giens, avec un minimum de 20 °C, parce que la masse d’eau superficielle chaude est repoussée et maintenue dans la baie par le mistral", constate Vincent Rey.
Un phénomène particulièrement bien illustré par les relevés de ces derniers jours. Jusqu’à la fin juin, le vent avait décidé de se reposer et, sur l’ensemble du littoral de la grande aire toulonnaise, les baigneurs barbotaient dans un confortable 26°C.
Depuis le 29 juin, un fort mistral s’est réveillé.
Résultat, certains thermomètres ont vu le mercure plonger de 10°C en trois jours... et les baigneurs se faire plus timides.
Il faut ensuite quelques jours de beau temps pour retrouver les températures enregistrées avant le coup de vent.
Des données utiles pour la prévention
Bien sûr, la température de l’eau peut être un argument pour prendre des parts de marché touristique à la Bretagne. Mais c’est loin d’être la finalité des recherches entreprises par le projet HTM NET.
"Connaître les variations de température est important pour la recherche sur l’évolution climatique ou la biodiversité, explique Vincent Rey. Et comprendre les évolutions de niveau et les déplacements des masses d’eau peut être capital dans la prévention des risques de type submersion".
Les chiffres
Pour avoir une idée de la variation sur l’ensemble de l’année, on peut regarder à la loupe les relevés réalisés à Port-Cros en 2022.
On y constate que la température la plus basse y a été observée le 1er avril avec une eau à 12,23°C (les poissons n’ont pas aimé cette blague). Le pic, lui, a été noté le 20 juillet avec 29,17°.
En juillet 2022 aussi, quelques jours de mistral avaient rafraîchi d’un coup la mer.
Alors qu’à Porquerolles, elle dépassait 28°C le 21 juillet, elle avait chuté à 23°C le 28. Et il a fallu attendre jusqu’au 8 août pour qu’elle regagne les degrés perdus.
Sur la même période, les baigneurs toulonnais avaient vu l’eau du Mourillon passer de 28,5°C le 20 juillet à 18,4°C le 27. Ils ont dû attendre 4 août pour la voir revenir à 28°C.
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