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Environnement : On peut garder 10 ans la même eau d'une piscine


Entre les restrictions d'eau et les économies d'énergie, de nouveaux impératifs s'imposent aux particuliers qui veulent faire construire, ou rénover, un bassin.


Faire installer une piscine privée, sans se soucier ni de son coût ni de son impact sur la collectivité, voilà une attitude qui semble appartenir au passé. Une époque plus insouciante, indifférente aux questions d'environnement et de gestion des ressources naturelles… Pour autant, cette passion française n'a pas disparu. En 2023, le pays ne comptait pas moins de 3,5 millions de piscines familiales – c'est le deuxième plus grand parc au monde, selon une récente étude du cabinet de conseil en stratégie Xerfi (Le marché des piscines et ses nouvelles perspectives à l'horizon 2025, sept. 2023, 2 200 € HT, xerfi.com). Et si l'on en croit un sondage CSA réalisé à la demande de la Fédération des professionnels de la piscine (FPP), 40 % des Français qui ne possèdent pas de bassin, mais disposent d'un terrain dit « piscinable », en rêvent encore. Dans les faits, crise économique et contraintes écologiques obligent, le marché de la piscine marque cependant le pas. « Après deux exercices de baisse, il aura du mal à rebondir. Les restrictions d'eau sur de nombreux territoires stoppent les lancements et l'avancée des projets, qui doivent parfois être décalés », observe Lauric Berthier, chargé d'études à Xerfi.

Face à cette nouvelle donne, les professionnels ont intérêt à adapter leur catalogue pour « sortir de terre » des piscines ayant davantage de chances d'être autorisées. Et qui seront moins coûteuses, à construire comme à entretenir.


Les arrêtés « sécheresse » se multiplient

Ressource rare, l'eau est l'objet de restrictions drastiques. En 2023, après un épisode de canicule qui a asséché les nappes phréatiques, plusieurs arrêtés ont été pris par le préfet dans les départements de l'Aude, du Gard, de l'Hérault, de la Lozère et des Pyrénées-Orientales ; et dans ce dernier département, la vente de piscines hors-sol a été interdite. Celles-ci représentent environ la moitié du parc national (1,73 million). Elles doivent sans doute leur succès à leur moindre coût – elles peuvent être installées à même le sol, sans avoir à creuser de fondations – et à la relative simplicité des formalités – une déclaration préalable en mairie suffit au-delà de 10 m3 si le bassin n'est pas rempli plus de 3 mois par an. C'est bien le problème : pour les rendre plus écologiques, il faudrait les laisser pleines à l'année (voir plus loin), ce que font peu d'utilisateurs. Leur prolifération est donc mal perçue par certains maires.


L'arrêté « sécheresse » définit 4 seuils d'alerte, et des limitations d'usage de l'eau les accompagnent. Le préfet peut, par exemple, dès le niveau 2, interdire aux particuliers de remplir et vider leur piscine (plus de 1 m3), sauf remise à niveau, et premier remplissage d'un bassin neuf si le chantier avait débuté avant les restrictions initiales. Au niveau 4, tout remplissage est interdit. Pour savoir si vous êtes concerné, consultez la carte accessible sur le site VigiEau (vigieau.gouv.fr). En renseignant votre département de résidence, vous saurez si votre habitation est concernée par les restrictions d'eau, connaîtrez le niveau d'alerte et les règles à respecter.


40 millions de m3

C'est la quantité d'eau utilisée chaque année pour remplir les piscines qui couvrent notre territoire, soit environ 15 m3 par an pour un bassin enterré et 6,5 m3 pour une piscine hors-sol.

Source : Fédération des professionnels de la piscine (FPP)


Des permis plus difficiles à obtenir

En parallèle de ces arrêtés préfectoraux, les municipalités mettent un frein à l'édification des bassins. En mars 2023, le maire de la commune d'Elne, dans les Pyrénées-Orientales, déclarait qu'il refuserait désormais toute construction de piscine privée… « Avant de nous demander, finalement, une liste d'équipements permettant d'économiser l'eau des piscines familiales, que nous lui avons fournie », se félicite Joëlle Pulinx, déléguée générale de la FPP. Peut-être sous la pression des administrés ?

Il n'en demeure pas moins que de plus en plus de permis de construire seraient en débat, du fait de la problématique de l'eau, selon Me Alexandre Zago, avocat au barreau de Nice. « Il arrive que les permis de construire de villas ou maisons soient accordés à la condition qu'il n'y ait pas de piscine. C'est notamment le cas à Bagnols-en-Forêt, dans le Pays de Fayence, situé dans le département du Var. »


Souvent, ces interdictions vont à l'encontre du PLU, « rendant alors, de mon point de vue, de tels refus illégaux », avance l'avocat. Irréguliers, peut-être, mais réels. Suffisamment en tout cas pour retarder les projets, le temps que le particulier saisisse le tribunal administratif pour demander l'annulation du refus de permis. Une procédure longue et sans garantie de succès. L'étau se resserre encore, alors que certains maires commencent à justifier leur refus par l'insuffisance de la ressource en eau potable. « Ils se fondent sur l'article R 111-2 du code de l'urbanisme, qui oblige l'autorité qui délivre les permis de construire à refuser les projets portant atteinte à la sécurité et à la salubrité publique », détaille Me Zago.


Cet argument a jusqu'à présent été écarté par les juridictions, mais pour combien de temps ? « Dans un jugement du 23 février 2024, le tribunal administratif de Toulon a retenu, sur la base d'une étude démontrant l'impossibilité d'alimenter les besoins en eau des habitants à très court terme, qu'un refus pouvait être opposé à un projet d'édification de 5 logements, au motif qu'il était de nature à porter atteinte à la salubrité publique. » Cette décision, non encore définitive, a trait à des logements, et non à une piscine. Et une étude démontrait bel et bien l'existence d'une pénurie d'eau potable pour les habitants du village concerné. « Mais il est probable qu'elle serve désormais de référence à certains élus pour refuser la construction de piscines », prévient Alexandre Zago.


Attention aux prélèvements fiscaux

Une piscine (fixe et de plus de 10 m2) augmente la valeur locative de la propriété. Et par là même, le montant des impôts locaux : taxe foncière, d'habitation (pour les résidences secondaires et les locations saisonnières), taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), etc. En outre, lorsque la piscine a requis une déclaration de travaux ou un permis de construire, une taxe d'aménagement est due. Vous devez déclarer les éléments nécessaires à son calcul sur le site Gérer mes biens immobiliers, dans les 90 jours suivant l'achèvement des travaux, en même temps que vous souscrivez la déclaration foncière. Pour calculer la taxe d'aménagement, on multiplie la surface du bassin par une valeur forfaitaire (258 €/m2 en 2024), puis par le taux voté par la collectivité territoriale concernée (taux communal et départemental, et régional en Ile-de-France). Il faut encore ajouter la redevance d'archéologie préventive, pour les piscines semi-enterrées ou enterrées. Son calcul est le même que pour la taxe d'aménagement, avec une valeur forfaitaire de 0,68 €/m² en 2024.


Le réveil tardif des piscinistes

Les professionnels, inquiets de voir se multiplier ces restrictions, réagissent. Ils se battent sur les chiffres, sans vraiment convaincre : selon la FPP, la consommation d'eau des piscines resterait anecdotique, « seulement » 0,06 % de la consommation d'eau nationale (hors premier remplissage), soit environ 20,8 millions de mètres cubes d'eau. « Un chiffre qui reste très loin du milliard de mètres cubes d'eau gaspillés dans les fuites d'un réseau d'eau potable français vieillissant », affirme la Fédération dans un communiqué.


Ce qui ne les empêche pas de s'adapter : au-delà de l'argument marketing, les professionnels proposent aujourd'hui des outils, matériels et gestes pour réduire l'impact des piscines sur l'environnement. La FPP vient ainsi de mettre en place un calculateur sur son site propiscines.fr. Il permet aux professionnels comme aux particuliers (qui n'ont toutefois pas accès aux mêmes informations) de calculer la consommation d'eau d'un bassin selon ses aménagements, et d'apprendre comment la réduire.


Filtrer l'eau toute l'année et couvrir son bassin

« Le calculateur a par exemple permis de constater qu'une piscine de 4 x 8 m n'utilise en moyenne que 7 m3 d'eau lorsqu'elle fait l'objet d'un hivernage actif, c'est-à-dire avec une légère filtration permanente et le maintien du bassin hors gel », précise la fédération dans son communiqué. Au contraire d'un hivernage passif, sans aucune action, qui nécessite en début de saison le renouvellement partiel de l'eau du bassin pour au moins un tiers de son volume.


L'objectif des professionnels est de dissuader les usagers de vider leur piscine chaque année pour la nettoyer. « La même eau peut être maintenue dans le bassin plus d'une décennie », assure Frédéric Guyot, directeur général de Cash Piscines. Encore faut-il qu'elle soit conservée propre, c'est-à-dire correctement filtrée, avec un minimum de déperdition (l'intégralité de l'eau filtrée peut être reversée dans la piscine). Or, certains polluants représentent un véritable challenge. C'est le cas notamment des algues vertes, qui prolifèrent généralement après une période de pluie, et sont le résultat d'un pH mal équilibré, d'une filtration insuffisante ou bien d'une température trop élevée. La filtration contribue en principe à éviter leur développement, mais « sous réserve de filtrer pendant la bonne durée et d'avoir un juste équilibre de l'eau, avec un pH entre 7 et 7,4, avec un taux de désinfectant conforme », précise Vianney Tuffal, directeur général de Piscines Waterair. Parlez-en à votre pisciniste.


Un autre geste essentiel consiste à couvrir sa piscine, en dehors des heures de baignade, afin de limiter l'évaporation de l'eau. « Si 88 % des propriétaires de piscines enterrées affirment avoir un dispositif de couverture, tous ne s'en servent pas », note Joëlle Pulinx. La Fédération calcule ainsi qu'une piscine non couverte de 32 m2 sur 1,35 m de profondeur, située à Toulouse, consommera 36 m3 d'eau par an, contre 8,26 m3 si elle est abritée la moitié de la journée, et seulement 1,78 m3 si l'ouverture du bassin se limite à 4 heures par jour. Cette protection permet aussi de maintenir l'eau à la bonne température et d'assurer sa propreté. Et même, selon les types d'aménagements, de sécuriser le bassin pour se conformer à la loi (art. D 134-51 et suiv. du code de la construction et de l'habitation), qui exige la présence d'un dispositif de prévention des noyades (alarme, barrière, couverture ou abri).

« Si vous souhaitez faire construire une piscine, assurez-vous que c'est possible avant d'acheter. » Alexandre Zago, avocat spécialiste en droit public à Nice.


« Les règles d'urbanisme, fixées par le plan local d'urbanisme (PLU) ou par la carte communale, évoluent dans le temps. Pour vous assurer que vous pourrez faire construire une piscine sur le terrain (déjà bâti ou non) que vous désirez acheter, vous pouvez prendre deux précautions. D'abord, demander à la mairie un certificat d'urbanisme opérationnel (Cerfa 13410*10). Si votre projet de piscine est réalisable sur la parcelle, ce certificat aura pour effet de cristalliser les règles d'urbanisme pendant 18 mois. Durant la période de validité du certificat, il sera ainsi possible de déposer une demande de permis de construire une piscine, même si le PLU est modifié. La seconde précaution consiste à signer le compromis sous condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire une piscine. S'il vous est accordé, ce permis restera valable 3 ans, avec la possibilité de demander 2 prorogations d'une année chacune. Dans le cas contraire, vous pourrez en toute légalité renoncer à votre acquisition. »


Des dimensions plus raisonnables

« La taille des bassins se réduit également, non seulement parce que les jardins sont plus petits, mais aussi parce qu'il devient nécessaire de contenir les coûts en énergie et en eau », constate Frédéric Guyot, comme beaucoup d'autres professionnels. Les usagers reportent souvent l'économie réalisée sur l'aménagement d'une terrasse. Quitte, pour les plus sportifs, à faire installer un dispositif de nage à contre-courant. Les spécialistes, comme Desjoyaux, adaptent leur gamme de produits à cette réalité, en proposant diverses tailles de bassin. Et en réduisant leur profondeur à 1,30 m en moyenne, voire un peu moins pour les piscines à fond plat. On s'éloigne des vastes piscines californiennes. Moins grand, le bassin se doit aussi d'être plus économe en énergie.


Permis de construire ou déclaration de travaux ?

L'autorisation d'urbanisme requise dépend de la taille du bassin.

S'il mesure moins de 10 m et que le terrain est situé hors secteur sauvegardé ou classé, aucune formalité n'est exigée, dans le respect des dispositions du plan local d'urbanisme.

Si la superficie du bassin est comprise entre 10 et 100 m2, sans couverture ou avec une couverture haute de moins de 1,80 m par rapport au sol, une déclaration préalable de travaux doit être déposée à la mairie.


Si la piscine dispose d'une couverture haute de plus de 1,80 m (pour une superficie comprise entre 10 et 100 m2) ou d'un bassin de plus de 100 m2, l'obtention d'un permis de construire est nécessaire. Il en va de même si elle est située en secteur protégé.


La déclaration et le permis devront être affichés sur le terrain le temps de la construction. À l'issue du chantier, une déclaration d'achèvement et de conformité de travaux sera déposée dans les 90 jours à la mairie. Celle-ci a alors 5 mois pour contester la conformité des travaux. N'oubliez pas de déclarer votre piscine sur le site Gérer mes biens immobiliers dans le même délai, pour le calcul des impôts locaux.


Recourir aux énergies renouvelables

Des panneaux solaires utilisés pour la maison peuvent servir à chauffer les bassins. Il est également possible de réduire, voire neutraliser la consommation des équipements (filtration, éclairages, notamment) en raccordant des panneaux solaires séparés de la maison à un boîtier électrique spécifiquement installé pour eux. C'est le concept de la piscine zéro impact énergétique, notamment en vogue chez Piscines Waterair. Plusieurs dispositifs permettent par ailleurs de chauffer le bassin grâce à la couverture de protection, ce qui évite le recours à une pompe à chaleur. Et, bien sûr, les spots classiques destinés à l'éclairer peuvent être remplacés par des leds.


Des bassins fabriqués en matériaux recyclés

Certains piscinistes s'engagent en proposant des bassins construits à partir de matériaux récupérés. C'est le cas, depuis plusieurs années, de la structure des piscines Desjoyaux, qui est issue du recyclage de déchets ménagers et de polypropylène. L'enseigne Soniga utilise des containers d'occasion, sortis du circuit maritime. La pose d'une telle piscine permet d'éviter d'entrer dans des travaux compliqués et d'utiliser du béton énergivore. Car le béton consomme des ressources qui se raréfient, comme le sable et l'eau. De son côté, Carré bleu revendique une démarche écoresponsable et s'engage, par exemple, à n'utiliser que du béton bas carbone.

 
 
 

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