Haut Var : le Caramy, l’Issole, la Nartuby et l’Argens en danger
- petitprincebandol
- 10 févr. 2024
- 4 min de lecture
Faible débit, pesticides, biodiversité en berne: une étude d'ampleur inédite alarme sur l'état de santé des cours d'eau du haut Var
Pendant deux ans, les techniciens des rivières du Syndicat mixte de l’Argens ont consciencieusement analysé la santé des cours d’eau du haut Var: le Caramy, l’Issole, la Nartuby et l’Argens. Le bilan, présenté aux élus le 7 novembre 2023, inquiète: le débit est trop faible, les pesticides trop nombreux, la biodiversité trop affaiblie…
Première inquiétude, le débit des cours d’eau. Il s’est effondré à des taux « jamais vus de mémoire d’homme », selon les techniciens. Pas besoin d’être hydrologue pour comprendre la gravité de la situation. Les graphiques réalisés par les spécialistes sont d’une simplicité effrayante.
La disparition de l’or bleu entraîne un autre effet pervers : la concentration des pesticides. « Normalement, ils se diluent dans les eaux de surface, expose Camille Mourret, chargée du Plan de gestion de la ressource en eau (PGRE) au SMA. Un phénomène moins efficace à mesure que le niveau baisse. »
Alors, dans certaines zones « très localisées », et de manière « sporadique », les taux de polluants chimiques peuvent dépasser les normes de qualité.
Soudain, la surface du Caramy se ride. « Regardez, ce sont des truites qui cherchent à attraper des insectes en sautant hors de l’eau », pointe en plissant des yeux Stéphane Pons, technicien des rivières.
Prise en sandwich entre un champ agricole et la route, cette étroite bande de rivière, à Carcès, est un véritable « cordon de vie ». Ici, des espèces de chauves-souris empruntent quasi-uniquement ces corridors préservés pour chasser ; la végétation y foisonne, permettant de baisser localement la température et filtrer les polluants grâce aux sédiments et l’important système racinaire.
Dissimulée au sein de la ripisylve, la biodiversité semble s’épanouir dans l’insouciance.
Les berges du Caramy, où Stéphane Pons a réalisé son analyse, correspondaient exactement aux caractéristiques d'une ripisylve.
« Il y a une grande prise de conscience dans le monde agricole »
Maire de la petite commune de La Celle, à côté de Brignoles, et vice-président du SMA, Jacques Paul a aussi une belle carrière de vigneron derrière lui. La délicate gestion de l’eau et l’usage décrié des pesticides, ça lui connait. Mais il l’assure, la prise de conscience a bel et bien commencé.
Quelle première impression tirez-vous du rapport sur le suivi de la qualité des cours d’eau dans le haut Var ?
Que l’on doit se partager l’eau après trois ans de fort déficit. Il faut veiller à mieux la répartir pour que chacun puisse avoir son compte. Et c’est toute la difficulté, notamment au niveau des canaux et les fameuses problématiques des débits réservés : c’est-à-dire les ponctions en eau dans une rivière ou un canal servant à quelques-uns. Ce sujet est soumis, forcément, à des contestations importantes.
Que dire sur le volet biodiversité ?
Entre autres projets, nos yeux se sont portés sur les différents seuils [un ouvrage, fixe ou mobile, qui barre tout ou en partie le lit de la rivière, Ndlr] servant à détourner l’eau via un canal. On s’est rendu compte qu’ils empêchaient les poissons de migrer vers l’aval. Pour éviter cela, on a décidé de leur créer une “échelle” pour passer par-dessus ces obstacles. Des projets de replantation sur les berges sont aussi envisagés, ainsi que de la restauration de zones abîmées.
Quel est votre point de vue quant à l’usage des pesticides ?
C’est un point chaud dans les préoccupations du SMA. Et, on s’aperçoit d’une chose, c’est qu’il y a une grande prise de conscience dans le milieu agricole. Les pratiques, notamment en vignes, font valoir une utilisation moins importante des pesticides, notamment des désherbants. Il y a nombre de domaines qui se sont mis au bio : dont trois des quatre implantés sur ma commune. Une démarche loin d’être facile face aux aléas météo et à l’attaque de champignons, comme le mildiou, qui ont tout ravagé cette année.
Quels sont les efforts à poursuivre selon vous ?
Encourager un respect plus important des cours d’eau, notamment de la part du grand public. Les poubelles et les déchets jetés à proximité des rivières demeurent un vrai problème. De nombreux efforts de rétablissement des berges, de nettoyage, de découpage du bois pour éviter les embâcles ont été réalisés par le SMA, mais les décharges continuent de s’accumuler. La responsabilité n’est pas uniquement du côté du secteur agricole, mais aussi de la population en général.
Pour éviter la prolifération de mauvaises herbes, le domaine de La Gayolle, à La Celle, utilise un tracteur pour retourner la terre entre les rangs de vignes.
Pour le moment, les grands projets d’aménagement menés par le SMA se concentrent surtout sur la prévention des catastrophes naturelles, comme les inondations. L’un d’entre eux « prévoit la restauration de la Nartuby sur 4 km, avec élargissements et approfondissements de son lit », relatait Var-matin, début avril.
Le lit de Nartuby est en train d'être élargi depuis avril 2023 afin d’éviter de futures graves inondations.
À quand des « grands projets » pour protéger la biodiversité ? « Il y a encore beaucoup à faire », admet Benjamin Van Lunsen. Mais les choses commencent à bouger. « Des stations d’épuration, notamment celle de Mazaugues, ont été refaites. Elles n’étaient plus aux normes et avaient un lourd impact sur l’environnement, appuie-t-il. Depuis, il y a clairement une amélioration de la qualité de l’eau des rivières. »
Les techniciens tentent d’autres approches, détaillées dans les rapports rendus aux élus début novembre. Comme « identifier la source et limiter les pesticides » charriés depuis les zones urbaines et les stations d’épuration ; « améliorer la diversité des habitats en restaurant les fonctionnalités des cours d’eau » et, point très difficile à mettre en place, « limiter les prélèvements d’eau pour préserver le dynamisme des écoulements ». Des mots à (vite) transformer en actes.
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