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Histoire de Toulon : il y a 100 ans, l’affaire des sous-marins


Elle date de 1922, connaissez-vous l’affaire des sous-marins de Toulon?

Il y a cent ans, l’attitude des Anglais et des Américains risque d’impacter l’Arsenal toulonnais.

L’actualité a beau avancer à toute allure, nul n’a oublié l’annulation, en septembre dernier, du contrat de douze sous-marins français par le gouvernement australien au profit de modèles nucléaires américains.


Il y a cent ans, au début de l’année 1922, les milieux maritimes et militaires étaient agités par une affaire semblable.


La République du Var du 31 janvier 1922 mit le sujet à sa une, en raison des conséquences qu’il pourrait avoir sur les chantiers navals toulonnais. Faut-il rappeler que c’est à Toulon que fut fabriqué et lancé en 1888 le premier sous-marin français, le Gymnote (lire ci-dessous) et que la production des sous-marins n’avait cessé. Les derniers nés s’appelaient l’Hallbronn et l’Henri Fournier.


Lisons la République du Var: "L’attitude de la France, au sujet du tonnage sous-marin jugé indispensable à la sécurité de ses côtes, continue à provoquer dans les pays anglo-saxons de nombreux commentaires. Du côté anglais, nous sommes assez fortement pris à partie, et même nettement accusés de vouloir troubler à notre profit la paix du monde."

Et la République du Var cite un article paru dans le journal anglais The Evening News, signé de l’amiral George Alexander Ballard, lequel, malgré son nom français, est un officier de marine anglais qui dirigea pendant la guerre l’état-major naval anglais: "La France, avec ses réserves de 800.000 hommes, ses réservistes entraînés, son armée formidable, domine aujourd’hui l’Europe, la Russie exceptée. Elle se suffit à elle-même, peut vivre sans commerce maritime et n’est guère vulnérable par la mer, qu’on l’attaque ou qu’on la bloque. Elle n’en persiste pas moins à maintenir une face sous-marine qui obligerait l’Angleterre à dépenser de nombreux millions. Car si la France veut 90.000 tonnes de sous-marins, l’Angleterre ne peut en posséder moins de trois fois plus, avec de grandes forces de destroyers, de porte-avions et de convoyeurs. Ces constructions signifient une augmentation de dépenses de 50 millions de livres, sans compter ce que coûterait le personnel et les réserves de matériel. Il faut cependant accepter ces sacrifices, à moins que l’on n’admette la dictature de la France en Europe et l’abandon de notre liberté d’action..."


Les Américains s’y mettent aussi

L’article de la République du Var se poursuit en signalant que l’Amérique emboîte le pas des Anglais.


Une partie de la presse américaine, visiblement sous l’influence anglaise, blâme sérieusement la France et prêche la suppression absolue des sous marins français. The Herald écrit: "L’Angleterre, en prenant parti pour l’élimination complète des sous-marins de toutes les eaux du monde, a raison, indubitablement raison. La France, dans son insistance pour le maintien des sous-marins a tort, indubitablement tort. Quant à l’Italie et au Japon, nous estimons qu’elles se joindraient à l’Angleterre si la France et l’Amérique en donnaient l’exemple, décidaient la destruction des sous-marins existants et consentaient à n’en plus construire."


L’Arsenal en danger

Cette affaire commence à sérieusement inquiéter le milieu maritime toulonnais. Défendant bec et ongles l’Arsenal de Toulon, le journaliste toulonnais Robert Dupont intervient dans la République du Var:


"L’opinion publique américaine est certainement travaillée par ces insinuations ou par des attaques moins déguisées. Heureusement, la presse d’outre-Atlantique n’est pas unanime à exposer le débat dans des termes à la fois si partiaux et si simplistes. Certains journaux soutiennent notre cause, font valoir notre bon droit, mettent en évidence la solidité de nos raisons. La conclusion d’un article du Gaelic American de New York montre bien que nous ne manquons pas, là-bas, d’amis sincères et de défenseurs fidèles: « Tout Américain digne de ce nom sera aux côtés de la France lorsqu’elle réclame le droit de faire usage des sous-marins dans la mesure de ses besoins. Puisse également la France écouter ce conseil: qu’elle ne perde pas de temps à organiser une Confédération de la Méditerranée, qui libérera cette mer des Anglais et fera de Malte la capitale de toute la contrée." Achevant son attaque contre les Anglais, l’article de la République du Var conclut : "Naturellement Gibraltar doit faire retour à l’Espagne."

Là, on exagère peut-être! On le voit, moins de quatre ans après la fin de la Première Guerre mondiale et après les tensions franco-anglaises à la Conférence de la paix de Cannes (lire nos éditions des deux semaines dernières), l’Entente cordiale entre Français et Anglais n’était pas au beau fixe. Il y avait de l’orage dans l’air... et surtout en-dessous du niveau de la mer!


 
 
 

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