Le Saint-Tropez secret
- petitprincebandol
- 10 nov. 2023
- 4 min de lecture

Et si on (re)découvrait Saint-Tropez derrière Saint-Trop’ ? Le village propulsé sur la planète people dans les années 60 se révèle différent hors saison au fil de ses charmantes ruelles marquées par l’histoire. C’est le bon moment pour savourer un Saint-Tropez plus secret, qui célèbre à sa manière mai 68, vénère les artistes et se souvient de ses marins qui ont fait le tour du monde. Avec, au bout de la rue, la plage, encore et toujours…
Pour vous faire adopter par les Tropéziens, évitez de parler de « Saint-Trop’ ». Ici les modes passent vite. Saint-Tropez aujourd’hui se veut plus provençal que jamais. Son objectif : devenir bientôt le premier village « vegan » de France. Ce qui n’aurait pas déplu à Colette... La femme de lettres avait acheté dans les années 20 un terrain à l’abandon qui allait lui fournir dix ans durant des fruits et des légumes. Elle abandonna « La Treille Muscate » quand elle trouva que le village avait perdu son charme et sa tranquillité. On était en 1936, année des premiers congés payés !
Après la Seconde Guerre mondiale, la vague existentialiste arriva jusqu’au petit port de pêche qui accueillit plutôt bien la bande formée par Juliette Gréco, Daniel Gélin, Annabel Buffet, Boris Vian, etc. Dans la France ordonnée de l’époque, un vent de liberté souffla à Saint-Tropez. Une des deux filles de la famille Bardot, qui y venait en vacances, allait faire parler d’elle dès son premier défilé. Et surtout son premier film : « Et Dieu créa la femme ».
Le décollage médiatique des années 1950-1960 vit l’apparition des nouvelles locomotives : Françoise Sagan, Brigitte Bardot, Roger Vadim, Eddie Barclay... On voulait vivre pieds nus, seins nus, quitte à s’attirer les foudres des gendarmes de Saint-Tropez, qui allaient connaître une gloire internationale, au milieu des années 60.
Mai 68 est une date importante pour Saint-Tropez qu’elle commémore chaque année… à ceci près que ce 68-là est vieux de 20 siècles ! Cette année-là (en 68 apr. J.-C., donc !), on retrouva un corps décapité dans une barque échouée au port du Pilon. Celui d’un légionnaire romain qui s’était converti au christianisme, ce qui n’avait pas plu à Néron, dont il était l’intendant. Torpes fut martyrisé et décapité à Pise sur ordre de l’empereur. Son corps, livré aux flots, fut porté par les courants, avec pour seule compagnie un coq et un chien, qui allaient participer à la légende des siècles à venir.
Depuis 1558, Torpes est le saint protecteur de la ville. Celui que les Tropéziens continuent d’honorer du 16 au 18 mai. La ville se pare alors de rouge et de blanc, couleurs de l’ancienne république de Gênes d’où sont originaires les plus anciennes familles du village.
Louis XIV leur ayant interdit de porter les armes en dehors de cette fête, les Tropéziens ont conservé ces dates pour faire parler la poudre. Le culte du saint se doubla d’une ode à la défense de la cité portuaire. Et c’est au Cepoun, le capitaine de ville élu à vie, qu’il appartient de jouer le gardien des traditions en musique à la tête de la Bravade. Après l’office, gens en armes, Tropéziennes en costumes et enfants au sérieux inébranlable suivent le saint protecteur de la ville dans les rues.
En levant le nez, on peut découvrir des dizaines d’autres petites statues du saint au-dessus des portes des maisons des Pêcheurs, mais nombre de Tropéziens conservent le leur à l’abri des regards, dans leurs armoires.
Il faut ensuite monter à travers les rues étroites pour rejoindre le quartier pavé de La Ponche, autrefois le plus pauvre de Saint-Tropez, avec son port de pêche qui a su résister à tout, même aux bombardements.
Inutile de chercher encore des pêcheurs triant leurs sardines sur le quai ou des femmes réparant les filets entre deux chaises. Ou même l’ancien bar de la Ponche qui s’était mis, après-guerre, à proposer des sardines grillées et de la soupe de poisson pour nourrir les Parisiens en goguette. C’est devenu le plus petit des grands hôtels, pour reprendre un qualificatif qui colle bien au Saint-Tropez actuel.
L’hôtel 1 étoile en a pris 4 de plus, seul le nom des chambres évoque le souvenir de celles et ceux qui en firent les beaux jours et les beaux soirs, de Vadim à Buffet ou Sagan.
Quant aux pêcheurs, qui ne sont plus qu’une poignée, on peut les retrouver le matin porte de la Poissonnerie, lieu décoré de mosaïques de style néogrec, où un petit marché aux poissons continue de perpétuer la tradition.
Petite halte en redescendant devant l’église Notre-Dame-de-l’Assomption, aussi colorée que les maisons qui l’entourent. Selon l’heure, on repasse par la Ponche ou le port, avant de rejoindre la place des Lices. Une des anciennes tours de fortification de la ville cache, outre les retours de pêche, un petit marché aux Herbes (nom donné par les Provençaux aux fruits et légumes).
Sur la place de la mairie, on ne résiste pas à l’envie de toucher la porte dite de Zanzibar, au décor végétal, tout en bois de giroflier. Ruelles médiévales avec leurs arcades, passages étroits mangés par la végétation, placettes avec une vieille fontaine, souvenir d’une ancienne ferme ou d’un ancien bordel transformé en maison bourgeoise, on se laisse porter non pas par la foule, hors saison, mais par la curiosité.
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