Menton : le Préfet ferme les plages privées
- petitprincebandol
- 1 avr.
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Les plages privées de Menton sont au cœur d'une bataille judiciaire depuis que les délégations de service public ont été renouvelées par la mairie de Menton.
La cour administrative d'appel a confirmé ce lundi 31 mars le jugement prononcé en première instance par le juge des référés du tribunal administratif de Nice. Ces quatre plages ne pourront donc pas rouvrir cet été. La mairie a également décidé de relancer la procédure de délégation pour deux autres plages.
Ce mercredi 26 mars, l'audience devant la Cour administrative d'appel de Marseille a duré 2h. "C'était très long", indique Aude de Prémare, l'avocate de la ville de Menton (Alpes-Maritimes). Signe, en matière de justice administrative où les parties ne peuvent pas développer à l'oral d'autres arguments que ceux évoqués par écrit pendant l'instruction, que le dossier est pris au sérieux. "Le juge a travaillé le dossier, a posé des questions pertinentes", poursuit l'avocate.
Ce lundi 31 mars, le juge administratif a rendu sa décision et a confirmé le jugement en référé de première instance : les contrats de délégation de services publics de quatre plages privées de Menton (La Pergola, La French plage, Caesar plage et Calabro beach club) sont suspendus.
"Doute sérieux sur la procédure"
Dans son ordonnance, la cour administrative d'appel a appliqué le même raisonnement que celui du juge des référés du tribunal administratif de Nice.
Pour les plages La Pergola, Caesar plage et Calabro beach club, "la méthode de sélection des offres mises en oeuvre par [la mairie] n’a pas respecté l’obligation de hiérarchisation des critères ".
Concernant La french plage, "compte tenu du fait que le règlement de la consultation exigeait la production d’une 'caution bancaire ou équivalent'", le dossier retenu était "incomplet" car il ne "comportait [que] la seule caution personnelle de M. Martin, dont rien n’indique qu’elle serait équivalente à une caution bancaire".
Selon le juge administratif, ces deux constats sont de nature à créer "un doute sérieux sur la régularité de la procédure de passation des sous-traités d’exploitation".
"Différend administratif"
C'est donc un nouveau revers pour les plagistes de Menton, dont 7 des 9 lots de plages privées sont au coeur d'une bataille judiciaire entre la commune et la préfecture des Alpes-Maritimes. Selon le contrôle de légalité de cette dernière, le renouvellement des délégations de service public a comporté des "potentielles irrégularités".
Contacté, Thibault Martin (La French plage), précise qu'"une société non-immatriculée ne peut pas obtenir une caution bancaire au moment de la candidature. L’exigence était donc, dès l’origine, incompatible avec la réalité d’une entreprise en création. Le règlement de consultation permettait une alternative équivalente, comme une caution personnelle reconnue par le Trésor public."
Cette décision [judiciaire] s’inscrit dans le cadre d’un litige avec le préfet des Alpes-Maritimes et la Ville de Menton. [...] Nous en prenons acte, mais refusons que cela remette en cause notre légitimité, notre bonne foi ou notre vision pour Menton.
Thibault Martin, président de La French plage
Thibault Martin précise qu'il a mobilisé "d’importants moyens : investissements, crédits, partenariats avec des fournisseurs et création d’emplois" dans cette aventure. Il pointe du doigt un "différend administratif entre la mairie et l’État" et "des intérêts personnels ou des logiques de règlement de comptes" de "certains acteurs locaux".
"Cette suspension n’est pas une fin, mais un défi que nous sommes prêts à relever", conclut-il.
Du côté de La Pergola, l'avocat Frédéric Bourguet-Maurice affirme que son "client se sent otage d’un litige entre la mairie et la préfecture".
Pour ces quatre établissements balnéaires, il n'y aura donc pas de saison estivale 2025. Les gérants de Caesar plage et du Calabro beach club ont d'ailleurs depuis décidé de jeter l'éponge, sans attendre la décision sur le fond.
"Je suis déçu de cet appel"
"On suis déçu de cet appel, c'est incompréhensible", réagit Yves Juhel, le maire de Menton. "Je suis triste pour les plagistes qui se sont engagés et qui ont investi de l’argent. Des emplois ont été supprimés et personne n’en a tenu compte dans les décisions."
On avait choisi un assistant maître d'ouvrage (AMO), ancien de la DDTM, pour ce dossier et on pensait que ce serait profitable pour la commune.
Yves Juhel, maire de Menton
"Par son expertise technique et réglementaire, l’AMO devait assister la collectivité dans la définition des critères de sélection, la hiérarchisation des critères et la structuration des documents pour éviter toute ambiguïté", regrette le maire. "La commune de Menton ne peut que déplorer la caractérisation d’un doute sérieux par le juge administratif à cet égard, ce qui révèlerait des insuffisances manifestes de l’AMO dans l’accomplissement de sa mission qui avait précisément pour objet d’éviter ces contestations."
Des plages seront-elles ouvertes cet été ?
Quant aux trois plages privées qui n'ont pas été suspendues par le juge des référés, la préfecture nous avait indiqué il y a un mois qu'elle retirait ses griefs contre Les Sablettes beach et La Dolce vita.
Un désistement désormais acté par le tribunal administratif de Nice le 25 mars dernier. "Ces désistements étant la manifestation par le préfet de sa volonté de renoncer à ses demandes exprimées dans ces deux déférés, ces désistements présentent désormais un caractère irrévocable", précise la juridiction
Pour ces deux plages, il leur sera donc possible d'ouvrir à partir du 15 avril, comme le confirme la Préfecture des Alpes-Maritimes.
Il n'y a plus de procédure contentieuse ouverte concernant [Les Sablettes beach et La Dolce vita]. Du point de vue du contrôle de légalité, ces contrats pourront s'exécuter normalement.
Préfecture des Alpes-Maritimes
"Je suis soulagé", affirme Claudio Battaglino, le patron de la Dolce Vita. De son côté, le maire de Menton indique qu'il va solliciter "une audience auprès du préfet pour être sûr que tout soit bon" pour cet été.
Quant à la plage La Cabane, non-suspendue en référé, la préfecture maintient ses griefs au fond. Rocco Loisi, son gérant, précise qu'il peut également ouvrir le 15 avril, mais il attend quelques jours avant de prendre sa décision.
La date de l'audience au fond de ce dossier n'est pour l'heure pas connue.
Deux délégations relancées par la mairie
Enfin, dernier rebondissement dans ce dossier, et il concerne les deux derniers lots de plage. Selon nos informations, leurs gérants ont reçu la semaine dernière un courrier de la mairie indiquant que l'attribution de leur lot était annulé.
Ces deux plages ont été attribuées dans un second temps et ne font donc pas partie de la procédure judiciaire en cours intentée par la préfecture maralpine devant la juridiction administrative. Pour autant, cette procédure est mise en avant par la mairie pour justifier sa décision.
"Au vu des délais nécessaires au juge administratif pour rendre ses décisions et l'incertitude juridique ainsi créée par ce contentieux, la ville de Menton a décidé de ne pas donner suite à cette procédure de délégation de service public", écrit dans la lettre le service de la commande publique de la municipalité.
Contacté, le maire Yves Juhel précise que l'envoi de ces deux courriers fait suite à des documents que la mairie a demandé et qu'elle n'a pas reçu, "malgré plusieurs relances". "Afin d’éviter un risque juridique, on relance donc la compétition sur les lots 1 et 9 après le conseil municipal prévu fin mai/début juin", précise le maire. "Les deux sociétés peuvent très bien recandidater."
"Je suis dégouté, c'est de l'incompréhension totale !", réagit Amar El Achi, le gérant de l'une de ces deux plages. "J'ai tout fait dans la légalité."
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