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Toulon : la "valise" (DDS) des sous-marins d'attaque innove


Le Dry deck shelter (DDS) doit équiper les sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Suffren. Focus sur un matériel militaire à destination des nageurs de combat, et son contenu ultra-sensible.


"Aucune communication ne sera faite." "Nous ne dirons rien, désolé". Ne comptez pas sur la Marine nationale ou sur l’industriel Naval Group pour s’exprimer au sujet du Dry deck shelter (DDS).


Ce nouveau module qui équipe le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Suffren n’a pas franchement vocation à exposer ses caractéristiques au grand jour. Bref, circulez, y’a rien à voir.


Sauf qu’on ne voit que lui. Sur le pont du bateau noir, dans le canal de Suez fin juillet, ou de retour à Toulon en ce début octobre, il saute aux yeux.


Sorte d’excroissance cylindrique, "coffre de toit" blaguent ceux qui ont la tête aux vacances, le DDS marque une rupture géométrique dans la silhouette habituelle des sous-marins. Mais surtout un joli bond technologique.


"Il s’agit d’un hangar de pont amovible qui permet de mettre en œuvre des nageurs de combat", affirmait le service communication de la Royale en 2021.


Les forces spéciales, qui ont accès au DDS depuis un sas situé à l’intérieur du "soum", peuvent ainsi s’y regrouper et "agir discrètement dans un plus grand rayon d’action sur des cibles adverses".


Un mini-sous-marin dans le grand

Avec ses dimensions impressionnantes – 11mètres de long pour 3m de large – cet équipement étanche placé juste derrière le kiosque n’accueille pas seulement des hommes.


"Le hangar de pont permet le déploiement des véhicules sous-marins des commandos", précise une documentation de Naval Group, son concepteur. Et notamment le mystérieux propulseur de troisième génération, le PSM3G, mini-sous-marin autonome dans le grand.


À quoi ressemble celui-ci? "Il faut imaginer un parallélépipède noir, d’une dizaine de mètres, avec un nez légèrement bombé et une hélice à l’arrière", schématise Philippe (le prénom a été modifié), ancien nageur de combat.


"Il est équipé de verrières mobiles qui permettent d’isoler l’intérieur. Mais il est opaque, pour masquer l’électronique et éviter l’effet sapin de Noël au milieu de l’obscurité de la mer."


Aucune photo de ce matériel ultra-confidentiel, digne des films de James Bond, n’est connue du grand public. On ignore également si des nageurs de combat, qu’ils soient des services secrets (DGSE) ou du commando Hubert, l’ont déjà utilisé pour des missions d’infiltration derrière les lignes ennemies.


On sait en revanche qu’il peut embarquer une dizaine de ces militaires surentraînés, par rangée de deux, pilote et navigateur compris. Le tout en milieu humide.


"Il est inspiré du SDV américain, poursuit notre retraité des commandos. Conçu dans les années 2000, par les nageurs de combat des forces françaises, il a été fabriqué au début des années 2010 par l’entreprise Eca et admis récemment au service actif".


Une dizaine de nageurs de combat

C’est l’utilisation conjointe du triptyque SNA/DDS/PSM3G que le Suffren souhaitait éprouver ces dernières semaines. Avec quelques inconnues concernant les performances en hydrodynamisme de l’ensemble, altérées par cette drôle de verrue en acier de 43 tonnes (!) assimilable à un caisson hyperbare.


"Je ne pense pas que cela soit un gros souci, explique Philippe. L’idée, quand un sous-marin embarque le DDS, c’est d’aller d’un point A à un point B le plus vite possible pour déposer des nageurs de combat près de leur cible; pas forcément d’avoir la même discrétion acoustique que lors d’une opération traditionnelle."


Ce Dry deck shelter doit équiper les six exemplaires prévus de la classe Suffren, dont le deuxième, le Duguay-Trouin, a été livré à la Marine cet été. De quoi mettre un sérieux coup de vieux aux SNA de type Rubis, loin d’offrir les mêmes facilités aux commandos.


"C’est de la dissuasion"

"Avant, pour les opérations spéciales, les hommes devaient passer par les tubes lance-torpilles pour se déployer, raconte Michaël (1), un sous-marinier. C’était super étroit. Les équilibrages du tube étaient assez violents. Bref, c’était possible mais franchement délicat." La légende raconte que certains y auraient d’ailleurs laissé leurs tympans!


Aujourd’hui, hangar de pont ou non, un sas de mise en œuvre des nageurs de combat facilite grandement la manœuvre. "Ce sont des avancées technologiques assez évidentes mais, en même temps, ça reste une mise à niveau par rapport aux Américains ou aux Anglais, qui ont ça depuis longtemps", tient à modérer Michaël.


Philippe, lui, n’est pas de cet avis: "La France a été la première au monde à développer le concept de hangar de pont au début des années 60, soit quinze ans avant les Américains."


Si elle avait choisi de se passer de ces capacités opérationnelles sur sa première génération de SNA – pour des raisons de discrétion – les attentats du 11 septembre et l’apparition de nouvelles menaces terroristes ont fait bouger les lignes.


Et convaincu l’État de prêter une oreille attentive aux requêtes techniques des forces spéciales et des services secrets, lesquelles militaient ardemment pour un retour du DDS.


Aujourd’hui, la polyvalence de celui-ci semble faire l’unanimité. On lui prête ainsi le potentiel pour mettre en œuvre des drones ou… autre chose.


"C’est la force de ce hangar de pont conçu par la France et non pas acheté sur étagères, conclut Philippe. On ne sait pas ce qu’il transporte. Quand un sous-marin part en mission avec, c’est aussi de la dissuasion et un message passé aux autres nations…"



Déjà un hangar de pont dans les années 70

Le concept français de hangar de pont pour les nageurs de combat n’est pas né avec la classe Suffren des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA).


Les derniers "soums" à propulsion diesel électrique de la Marine nationale, abandonnés au profit des SNA Rubis en 2001, en possédaient un depuis les années 70.


Certes bien plus petit et rudimentaire, ce Dry deck shelter servait déjà à transporter les précédentes générations de véhicules sous-marins des nageurs de combat. Son petit nom: "la valise"!

 
 
 

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