VAR : Les attaques de loups en hausse de 30% malgré une population en baisse de 9%
- petitprincebandol
- 29 mai 2024
- 4 min de lecture
Les attaques de loups sont toujours plus nombreuses dans le Var
Malgré une population en baisse au niveau national, les loups continuent de faire des ravages dans les troupeaux ovins et caprins du Var. La coexistence avec l’homme reste compliquée.
Loup y es-tu? De moins en moins visiblement. C’est du moins ce que laissent entendre les chiffres rendus publics la semaine dernière par six associations de défense de la nature (dont WWF et Ferus), selon lesquels la population de loups en France aurait diminué de 9% en un an, passant de 1.096 individus en 2022 à 1.003 en 2023. Une première baisse en dix ans.
Mais sur le terrain, cette évolution est transparente. "Si les loups sont moins nombreux, les éleveurs varois ne voient aucune différence. Pas plus tard qu’hier (lire lundi), une éleveuse de brebis dans le Haut Var a encore perdu deux bêtes, victimes d’une attaque de loups", raconte Sylvain Apostolo, lui-même éleveur ovin et co-porte-parole de la Confédération paysanne dans le 83. Mais pour ce dernier, le débat ne se situe pas tant sur le nombre de canis lupus circulant en France, mais "sur l’accompagnement des éleveurs mis en place par l’État, et notamment les mesures d’anticipation par rapport au front de colonisation du loup".
Inquiétant sur le long terme
Le sentiment des éleveurs varois n’est en tout cas pas contredit par les statistiques révélées lors du dernier comité loup du Var qui s’est tenu à Draguignan début avril. Avec 133 événements perpétrés au 5 avril 2024, le nombre d’attaques de loups contre les troupeaux est en hausse de 30% sur les trois premiers mois de l’année. "La prédation est plus intense qu’en 2023 à la même date", reconnaît la préfecture du Var. Et le nombre de bêtes tuées (brebis et chèvres) suit la même tendance: + 9%.
Pour Eugène Reinberger, administrateur de l’association Ferus, ces chiffres démontrent l’inefficacité du plan loup en France. "On le voit: il n’y a aucune corrélation entre le nombre de loups tués (1) et la baisse des attaques contre les troupeaux. Les tirs de prélèvement ne sont pas le bon outil pour protéger les troupeaux. La solution passe par le triptyque bergers - patous - clôtures. Tout le reste n’est qu’illusion. Il existe un consensus scientifique sur cette question que les décisions politiques ne cessent pourtant de contourner".
Par ailleurs, s’il se montre plutôt mesuré sur la baisse de 9% de la population lupine, Eugène Reinberger se dit quand même inquiet sur le long terme. "Malgré une méthode de calcul performante, ce ne sont que des statistiques avec des aléas de + ou - 20%. Une baisse de 9% sur un an n’est donc pas significative en soi. Mais sur le long terme, la tendance n’est pas bonne. Cela veut dire que les effectifs de loups ne croissent pas, alors qu’avec les populations importantes de chevreuils et de sangliers, la croissance naturelle devrait atteindre les 20 à 25%".
Repenser la place du sauvage
Vétérinaire du Parc Alpha à Saint-Martin-Vésubie, et experte au Conseil national de la protection de la nature au ministère de l’Écologie, Véronique Luddeni va plus loin dans l’analyse. "Je suis bien consciente qu’être éleveur en présence du loup génère des contraintes et du stress. C’est anxiogène. Mais aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, le pastoralisme se porte mieux aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Le retour du loup a mis en lumière l’élevage ovin français qui a pu bénéficier de multiples aides. Répondre aux attaques de loups en autorisant un prélèvement allant jusqu’à 19% de la population, revient à acheter la paix sociale avec les éleveurs, au risque de marquer davantage encore la scission entre les mondes agricole et non agricole".
Pire encore: pour Véronique Luddeni, "les tirs de prélèvement contre les loups seraient contre-productifs car ils risquent de détruire le fonctionnement d’une meute, entraînant un comportement plus compulsif, primaire des individus. Sans compter que les loups permettent de réguler les populations de chevreuils, de sangliers et de chamois, contribuant au passage à limiter la propagation des pathogènes". Et de conclure: "il faut repenser la place du sauvage dans la société".
1. Selon les statistiques de la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfète coordinatrice sur le loup au niveau national, 43 loups ont déjà été "détruits légalement" au 24 mai 2024, dont 16 dans les Alpes-Maritimes et 9 dans le Var.
L’avenir du loup devant la justice
Plusieurs tribunaux administratifs ont été saisis pour débattre - sur le fond - des mesures de régulation de la population de loups.
Les associations de défense de la nature, et notamment One Voice, n’ont pas attendu longtemps à réagir à la baisse de 9% de la population de loups en France. N’hésitant pas à dénoncer "la persécution grandissante dont sont victimes les loups", et même "des mises à mort de loups accordées les yeux fermés", One Voice rappelle dans un communiqué les actions qu’elle mène un peu partout en France pour faire annuler les textes autorisant "un peu trop facilement" les tirs de défense contre les loups.
Avec ses partenaires Ferus et le Pôle Grands Prédateurs, One Voice était ainsi au tribunal administratif de Besançon hier pour "défendre les loups tués dans le Doubs". Bis repetita: elle enchaînera le 3 juin prochain avec le tribunal administratif de Toulon, là encore pour lutter contre les autorisations de tirs de prélèvement cette fois dans le Var.
Avec Animal Cross et Aves, elle a par ailleurs déposé un recours devant le Conseil d’État pour demander "l’annulation d’un arrêté ministériel qui facilite encore davantage l’abattage de ces cousins des chiens".
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