À Port-Cros, ce n’est pas l’État qui décide - Le parc national, joyau du territoire créé par A.Malraux
- petitprincebandol
- 18 déc. 2023
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Soixante ans après sa création, on vous explique pourquoi le 1er parc marin de France à Port-Cros est un modèle
Il y a 60 ans, la protection des espèces marines et des éco-systèmes s’incarnait pour la première fois à Port-Cros. Aujourd’hui, c’est un laboratoire des approches scientifiques les plus pointues.
Un parc national n’est pas un piège pour un territoire. Pas une liste de restrictions imposées aux habitants. C’est une opportunité inestimable. "À Port-Cros, ce n’est pas l’État qui décide, comme le dit d’un sourire Isabelle Monfort, sa présidente. Le territoire compte pour 92% dans la gouvernance."
Après "60 ans de mariage et de vie commune", le parc national de Port-Cros est bien le joyau d’un territoire. Les Îles d’Hyères ont célébré, ce jeudi, la création du plus ancien parc national marin, né d’un décret signé le 14 décembre 1963, de la main d’André Malraux.
Au cours des décennies, l’approche scientifique n’a fait que grandir, "le parc national ne s’intéresse pas qu’à la biodiversité, poursuit l’élue hyéroise, le conseil scientifique de rang international est à la pointe des enjeux actuels de préservation et de gestion."
"Le sens de tout cela change"
En voie de disparition, puis protégé et redevenu abondant, le mérou brun est un poisson emblématique du parc.
"Port-Cros illustre l’évolution des connaissances et la compréhension des interactions entre les espèces", confie Thierry Ragobert, réalisateur du film Le miracle de Port-Cros, dont la version intégrale a été projetée pour la première fois, après sa diffusion télévisée sur la chaîne Arte.
On y voit une vie foisonnante, qui s’adapte en permanence aux conditions extérieures et à l’arrivée de nouvelles espèces. "La richesse sous-marine, la densité et la variété des espèces font de Port-Cros une oasis de vie en mer, commente l’ancien compagnon de mer du commandant Cousteau. Un lieu - et il n’y en a pas tant que ça - où la nature a le temps de se développer sans contrainte."
Invitée à cet anniversaire, l’ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage poursuit sur cette ligne.
"Le sens de tout cela change. Il faut comprendre que le dérèglement climatique est intrinsèquement lié à la question de la biodiversité. Le lien entre climat, biodiversité et santé globale, dont la nôtre, nous amène à regarder les choses de façon très différente."
Un autre exemple emblématique est la protection de la posidonie, habitat de la faune marine. Les bateaux de plus de 24 mètres ont interdiction d’y jeter l’ancre, sur tout le littoral méditerranéen, pas seulement dans le parc.
Ces herbiers marins fabriquent plus d’oxygène au mètre carré que la forêt tropicale, on les qualifie de carbone bleu. On a compris la valeur de ce puits de carbone, qu’une ancre peut arracher en quelques minutes, mais qui a besoin d’un siècle pour s’épaissir d’un mètre.
Ici se raconte une part de ce que les humains et la nature peuvent faire ensemble.
*Le miracle de Port-Cros est disponible en VOD sur artetv. Documentaire de Thierry Ragobert (52’).
Savoir+
Portes ouvertes au Fort du Pradeau.
Pour les 60 ans du parc, spectacle pour enfant, projection, lecture… sont organisés jusqu’à dimanche, au Fort du Pradeau, à Hyères.
Réservation au 04.94.12.82.37.
Du coeur à la périphérie, une philosophie novatrice
Ce sont les invités des 60 ans du parc national de Port-Cros, des grands témoins dont le parcours politique ou professionnel a souvent précédé la prise de conscience environnementale dans la société.
Michel Barnier
Ministre de l’Environnement de 1993 à 1995, Michel Barnier est fier d’avoir porté "deux mots" dans une loi qui porte son nom: "Débat et public." On lui doit la pratique du débat public née avec une loi sur le renforcement de la protection de l’environnement. "Le temps passé à écouter des citoyens est un temps gagné", dit-il.
Corinne Lepage
Ministre de l’Environnement de 1995 à 1997, avocate, Corinne Lepage loue "la philosophie à l’origine des parcs nationaux. Elle était assez novatrice, avec l’idée qu’il y a un cœur de parc et des gens autour. Et qu’il faut essayer d’avoir à la fois des zones de grande protection et d’autres où la vie peut coïncider avec une préservation, même si celle-ci est moins puissante."
Elle souhaite que "les choses perdurent dans les années qui viennent".
Guillaume Sainteny
Président du Plan bleu pour l’environnement et le développement en Méditerranée, Guillaume Sainteny rappelle le mérite de quelques individus, qui ont accepté "un sacrifice important", de se séparer de leur bien, pour l’intérêt général.
Ce fut le cas à Port-Cros. "Ceux qui le font ne sont pas assez récompensés. Car on aurait pu avoir un Port-Cros entièrement construit." Difficile à imaginer, et pourtant, il y a eu au moins deux projets.
À ses yeux, le parc national pratique "une gestion intégrée de zone côtière", modèle de conciliation entre les usages humains et la protection des éco-systèmes.
Plusieurs études sont en cours, notamment "une étude coûts bénéfices de la protection comparée entre deux aires marines, Banyuls [Pyrénées-Orientales] et Port-Cros, qui n’ont pas le même niveau de protection".
Jérôme Bignon
Ancien sénateur, ancien président du Conservatoire du littoral, Jérôme Bignon souligne que les espaces naturels sont « un atout considérable pour notre pays. Ces zones admirables comme la Baie de Somme [le territoire où il était élu], le Mont-Blanc et Port-Cros, permettent d’avancer dans la bonne direction. »
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